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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

une sorte de crochet auquel on attache le cadavre, viennent enlever au galop le taureau mort. Et puis ça recommence encore. Trois hommes à cheval, encore des chevaux éventrés, et puis les ridicules et sanglantes agaceries des toréadors. Et quand on a tué une quinzaine de chevaux et cinq ou six taureaux, le public élégant s’en va faire un tour au Buen Retiro qui est une des plus belles promenades du monde, que je préfère au Bois, sans parler de Londres, de Vienne et de Rome. Mais non, Rome a un charme tel que rien ne saurait lui être comparé. Le roi, la reine, les infantes assistaient au combat. Plus de 14, 000 spectateurs. Et c’est comme ça tous les dimanches. Et il faut voir la tête de tous ces sinistres nigauds, pour croire qu’on peut se passionner pour de telles horreurs. Si encore c’étaient de véritables horreurs ! mais ces rosses inoffensives, et ces taureaux qui ne sont furieux qu’excités, blessés, martyrisés… La reine, qui est Autrichienne, ne doit pas s’amuser. Le roi a l’air d’un Anglais de Paris. La plus jeune des infantes est la seule gentille. La reine Isabelle m’a dit que je lui ressemblais. Je suis flattée, car elle est vraiment gentille.

Nous sommes parties de Biarritz jeudi matin et sommes arrivées le soir à Burgos. Les Pyrénées me frappent par leur beauté majestueuse ; à la bonne heure, on sort des rochers de carton de Biarritz. Nous avons voyagé avec un gros monsieur qui ne parlait pas français, personne de nous ne parle espagnol ; néanmoins, il m’a expliqué un journal illustré et offert des fleurs à une station. Il y avait en plus un jeune homme qui allait à Lisbonne et qui ne demandait qu’à être utile, une.sorte d’Anglais de Gibraltar. Si vous croyez que le voyage avec.mes mères est un