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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

reur ! j’ose avouer que je trouve ça laid, et que ça ne me dit rien, ainsi que les Raphaël, du reste. Enfin, depuis hier matin, nous sommes à Madrid. Ce matin, au musée. Ah ! le Louvre est bien pâle à côté ; Rubens, Philippe de Champagne… Que sais-je, et mėme Van Dyck et les Italiens. Rien n’est comparable à Velazquez, mais je suis trop éblouie encore pour juger. Et Ribera ? Seigneur Dieu ! Mais les voilà, les vrais naturalistes ! Est-ce qu’on peut voir quelque chose de plus vrai, de plus admirablement vrai ! de plus divinement, de plus véritablement vrai ! Ah ! qu’on est remué et qu’on est malheureux de voir de telles choses ! Ah ! qu’on voudrait avoir du génie ! Et on ose parler des pâleurs de Raphaël et des peintures maigres de l’école française ! La couleur ! Sentir la couleur et ne pas en faire, ce n’est pas possible ! Soria est venu avant diner avec son ami, M. Pollack (administrateur des chemins de fer), et son fils qui est peintre ; il a travaillé chez Julian. J’irai au musée demain, seule. On ne saurait croire ce qu’une réflexion niaise peut avoir de blessant en face des chefs-d’euvre. C’est douloureux comme un coup de couteau, et si l’on se fâche, on a l’air trop bête. Et enfin, j’ai des pudeurs qu’on ne s’expliquera peutêtre pas : je ne voudrais pas qu’on me vit admirant quelque chose ; enfin, j’ai honte d’être surprise manifestant une impression sincère ; je ne sais m’expliquer ici.

Il me semble qa’on ne peut sérieusement parler de quelque chose qui vous a remué qu’avec quelqu’un avec qui on est en parfaite communion d’idées. On cause bien avec… Tenez, je cause bien avec Julian qui n’est pas une bête, mais il y a toujours une pointe d’exagération, pour que l’enthousiasme, par exemple, M. B. — II.

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