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JOURNAL

renais, et c’est une existence nouvelle, romanesque, reintée de chevalerie moyen âge… Dimanche 9 octobre. —Eh bien ! il n’y a rien de neuf, Pollack et Escobar sont venus tous les jours. Maman partait pour la Russie ; leur présence nous a évité bien des larmes. J’étais très triste depuis le matin et pourtant il fallait bien, il faut bien qu’elle parte, puisque mon père l’appelle pour les affaires ; donc, elle est partie.

La soirée se passe à parler art avec Pollack, et maintenant que je suis seule, je me figure des choses noires : si maman allait mourir sans nous revoir. Oh ! si cette chose affreuse arrivait, ce serait une punition pour mes imbéciles révoltcs filiales… Je passerais ma vie à pleurer de ne pouvoir racheter mes duretés. Ah ! je deviendrais folle… Songez donc, se sentir coupable et ne pouvoir plus jamais, jamais racheter ses folies.

Et elle mourrait croyant que je ne l’aime pas, que cela m’est égal, que je me console, que je suis même peutêtre contente !

Je m’attends à tous les malheurs, mais je ne puis me figurer ce que me ferait celui-là… J’aime mieux tout au monde que cela, devenir aveugle, paralysée… Je serais à plaindre ; mais perdre maman dans ces conditions-là, il me semble que je l’aurais tuée. Lundi 10 octobre.— Comme je travaillais au musée, arrivent deux hommes assez ågés et pas très beaux ; ils demandent si je ne suis pas Mle Bashkirtseff. — Certainement ; est

un millionnaire de Moscou qui voyage beaucoup et adore les arts et les artistes. Puis Pollack nous dit que — alors ils se précipitent. M. Soldatenkoff