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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

français ou espagnol, et parlant entre eux, ont dit de moi les choses les plus flatteuses. Et quand je m’éloigne, on monte sur l’échelle pour voir mes grandes brosses et voir comment c’est peint ; en un mot, mes pauvres enfants, il y aurait de quoi être bouffie d’orgueil si on était moins ambitieuse. Vendredi 14 octobre. — Hier, à sept heures du matin, départ pour Tolède. On m’en a tellement parlé que je m’étais imaginé je ne sais quelle merveille ; malgré le bon sens, je m’obstinais à me figurer quelque chose de Renaissance et de moyen âge ; de merveilleuses pièces d’architecture, des portes à sculptures noircies par le temps, des balcons divinement travaillés, etc. Je savais bien que c’était autre chose, mais c’était gravé là et cela m’a gâlé Tolède, lorsque j’ai aperçu cette ville mauresque avec ses inévitables maigreurs de murailles et de portes ébréchées ou paraissant· telles. Tolède est tout en haut, comme une citadelle, et lorsqu’on regarde du sommet la campagne et le Tage, cela ressemble à cerlains fonds invraisemblables de Léonard de Vinci ou méme de Velazquez : -Ces montagnes presque à vol d’oiseau, d’un vert bleuâtre qu’on voit par la fenétre auprès de laquelle est la dame ou le cavalier en velours prune avec de belles mains fines. Quant à Tolède même, c’est un dédale de petiles rues irrégulières, étroiles, où le soleil ne pénètre pas, où les habitants ont l’air de camper, tcllement toutes les maisons ne ressemblent à rien ; une momie, une Pompéi conservée enlière, mais ayant l’air de tomber en poussière de vieillesse ; — le sol brûlé, les hautes murailles brûlées par le solcil ; pittoresque, des mosquées converlies en églises et barbouillées de chaux ; pourlant on gratte petit à pelit et — — des cours élunnantes de