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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

l’ai dit, la cathédrale est prodigieuse d’élégance, de richesse et surtout de légèreté ; il semble que ces colonnettes et ees ciselures et ces voûtes ne puissent résister au temps ; on craint que de tels trésors ne tombent en ruine, c’est si beau qu’on sent comme une appréhension personnelle ; mais voilà quatre ou cinq siècles que ce prodige de patience est debout, inébranlable et admirable. Je vous dis, la pensée qu’on emporte de là, c’est : pourvu que ça dure ! Et une frayeur que ce ne soit abîmé, détérioré, usé ; je voudrais qu’on n’eût pas le droit de toucher du doigt cette création, et les gens qui y marchent sont déjà coupables, car il me semble qu’ils contribuent à la très lente mais inévitable destruction du merveilleux édifice. Je sais bien que pendant des siècles encore, mais… Et au sortir de là, les grands murs crénelés à fenêtres arabes, desséchés au soleil ; les mosquées avec leurs grandioses suites de. piliers à ornements arabesques. voir le soleil se coucher derrière la coupole, et toutes ees prodigieuses fanfreluches, toutes ces élégances de pierres ciselées, de porles gothiques et arabes, toutes ces merveilles grėles et cassantes à caractère altier et inquiétant, tout cela tombera comme des écailles et vous semblera de puérils ornements. Je regarde les photographies de Tolède, il me semble que je me suis trompée, i’ai mal vu… Allez donc à Rome

Samedi 15 octobre. — J’ai passé la journée à l’Escurial avec ma tante que ça embêtait et qui, tcut en gardant une contenance indifférente, tâchait de tricher. Sije n’avais entendu parler le guide, elle m’aurait escamoté les caveaux… pour ne pas me fatiguer, « et puis des cercueils, c’est affreux. » Quel ennui de faire ce voyage comme ça ! Enfin j’ai vu comme dans un réve N. B. — II.