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JOURNAL

cet immense bloc de granit, sombre, triste, grandiose. Eh bien moil je trouve ça superbe- ; celle majestueuse tristesse est un charme. Le palais affecte la forme du gril de saint Laurent (consultez les guides), ce qui lui donne l’air un peu caserne, excusez le mot ; mais il s’élève au-dessus d’une campagne brûlée, sombre, houleuse comme une mer et produit une impression profonde avec ses murs de granit de l’épaisseur d’une maison parisienne, ses cloitres, ses colonnes, ses galeries, terrasses ; pièces d’eau verte, ses cours. C’est froid, dit-on, c’est triste, oui ; mais cela repose des irritantes visions de Tolède ! Nous avons visité les appartements royaux, couverts de tapisseries assez laides et assez criardes… ; pourtant le cabinet du roi est un bijou ; il y a là des portes de bois incrusté à ornements de fer poli et d’or pur… ; puis un salon-oratoire en soie brodée, ravissant. Quel contraste avec la chambre de Philippe II ! Ce tyran habitait une cellule nue et pauvre, donnant dans une espèce de chapelle basse tout en marbre, donnant elle-même sur l’église. De son lit il voyait l’autel et pouvait entendre la messe. Je ne puis pour mon compte bien me souvenir des sallcs, escaliers, cloitres qu’on nous fait traverser, c’est si grand ! Et ces longues galeries à immenses fenêtres fermées de volets en : bois à caisson, avec portes massives et peu ornées !….

L’église est d’une admirable simplicité, ses voates grandioses et nues sont d’un effet tout à fait imposant. Le caveau royal et les escaliers qui y mènent, tout en marbres divers, sont d’une richesse très grande. Des cercueils sont en marbre de Tolède, avec ornements en cuivre repoussé. C’est splendide. Il ne reste plus que cinq places. La touchante. Mercédès attend, dans. une petite chapelle latérale, que le caveau