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JOURNAL

dans de sales maisons ; des arrière-boutiques et des escaliers légendaires ; il y a là des masses d’étoffes, de tapisseries et de broderies à devenir fou. Et ces misérables semblent absolument insouciants, ils trouent avec des clous de belles étoffes accrochées au mur pour suspendre des vieux cadres ; ils marchent sur des broderies étalées par terre, de vieux meubles, des cadres, des sculptures, des châsses, de l’argenterie, de vieux clous rouillés !… J’ai acheté un rideau de soie rouge saumon, tout brodé, dont on m’a demandé 700 francs et qu’on m’a donné pour 150, et une jupe de toile brodée de fleurs pâles d’un joli ton, qu’on m’a laissée pour cent sous après en avoir demandé 20 francs.

C’est malheureux de ne pas avoir 100, 000 francs à dépenser ; on se meublerait un atelier… mais avec 100, 000 francs seulement ! On achèterait beaucoup. Escobar vient nous prendre pour aller aux taureaux. Nous sommes dans une loge avec Mte Martinez, son père, deux autres et Escobar. J’ai voulu retourner pour avoir une seconde impression. On avait annoncé huit taureaux et c’est, je crois, le dernier dimanche. Bref, brillante représentation. Le Roi, la Reine, les Infantes à leur poste. Musique, soleil, clameurs folles, trépignements, sifflets, mouchoirs agités, chapeaux lancés. C’est un spectacle unique, d’une grandeur entrainante et qui ne ressemble à rien. — Je commence à être au courant

sentation. J’y suis allée à contre-ceur, avec un frisson de dégoût ; pourtant j’ai gardé bonne contenance devant cette boucherie à cruautés raffinées. C’est très beau, à condition de ne rien voir… Pourtant on finit par s’intéresser et on garde un air brave devant ces ignominies, par orgueil. J’ai regardé tout le temps. je me suis.inléressée à la repré-