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JOURNAL

bête… Le vrai danger est pour les banderillas, car l’homme court à la rencontre du taureau et, au moment où celui-ci veut donner des cornes, il le prévient en lui plantant ses banderillas entre les deux épaules ; il faut là un courage et une adresse exceptionnels, Lundi 17 octobre. Mardi 18 octobre.

Qu’il y a des gens heureux et comme, ayant tout pour l’être, je ne le suis pas !

J’ai assez d’argent pour aller, venir, peindre, voyager ; on fail ce que je veux. Vous savez le reste. J’aimerais mieux manquer d’argent et ne pas faire ce que je veux, que d’étre avec des gens qui m’enragent avec leur entêtement pour mon bien. Quand on est convaincu qu’on fait bien, il n’y a rien à faire. Ma famille est convaincue. Elle n’aurait. pas ce tort sciant, crispant, assassinant de me persécuter par amour, que je lui pardonnerais peut-étre de n’étre ni artiste, ni agréable. Ah ! qu’il y a des gens heureux ! Non, voyez-vous, ce voyage avec ma tante ! C’est à partir demain pour Paris… Mercredi 19 octobre.

— Il n’y a pas à dire, je tousse tellement que ça doit tout me détériorer là-dedans. Et avec cela je maigris, ou plutôt… oui, je maigris, à regarder les bras, par exemple ; quand j’allonge le bras, il prend un caractère atteint au lieu de l’insoIence d’autrefois. C’est même joli, je ne me plains pas encore. A présent, c’est la période intéressante, on dévient mince sans maigreur, et je ne sais quoi de languissant qui va bien ; mais, si je continue, dans un an, je finirai squelette… Jeudi 20 octobre. Ce matin, j’ai passé deux heures