Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/326

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
321
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

et puis nous avons fait une promenade dans les rues. Je n’invente rien en disant que nous étions les seules femmes en chapeau ; aussi c’est à nos chapeaux que j’attribue l’ébahissement des populations. Encore si j’étais élégante, mais je portais une jupe de laine grise, un paletot noir collant et un chapeau noir de voyage. Mais les étrangers sont regardés ici comme des singes savants ; on s’arrête, on les hue ou on leur dit des choses aimables. Je suis huée par les enfants, mais les grands me disent que je suis jolie et salée ; c’est, comme on sait, très chic d’être salada. Séville est toute blanche, toute blanche ; les rues sont étroites ; dans la plupart, les voitures ne passent pas et avec tout cela ce n’est pas aussi pittoresque qu’on le voudrait. Ah 1 Tolède, je vois ma barbarie à présent !… Tolède

est une merveille. Séville, avec ses maisons basses, blanchies à la chaux, est d’un caractère un peu bourgeois. Il y a bien les bas quartiers…, mais dans tous les pays du monde, les mauvais quartiers sont intéressants. Ce qu’il y a, c’est une harmonie et une richesse de tons telles qu’on voudrait tout peindre.

Je suis très agacée de ne pas parler espagnol ; c’est une gêne affreuse, surtóut pour travailler,. faire des études…

Ces femmes et ces enfants à moitié sauvages sont d’une couleur prodigieuse, ainsi que leurs loques. C’est ravissant, malgré la crudité des maisons blanches. Mais il pleut toujours, et puis je suis en famille. Je coinprends qu’on soit heureux de vivre en famille et je serais malheureuse seule. On peut aller faire des achats en famille, aller au bois en famille, quelque