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JOURNAL

mais je ne suis pas sortie. Je suis faible et ne puis rien manger, ayant probablement toujours la fièvre. C’est horriblement triste d’étre maintenue dans l’inaction par… par… je ne sais quoi ; de n’avoir pas la force, enfin ! Charcot est revenu. Maman et Dina sont arrivées hier, appelées par des dépêches insensées de ma tante. Ge matin, Dina reçoit une lettre de sa seur qui demande comment je vais. J’ai pris froid, je sais, mais ça peut arriver à tout le monde.

Et puis, non, tout est fini, j’ai les oreilles dans un triste état avec ce rhume et cette fièvre ; à quoi puis-je aspirer ? Qu’est-ce que je puis avoir ? il n’y a plus rien à attendre. C’est comme un voile qui s’est déchiré l’autre jour, il y a cinq ou six jours ; tout est fini, tout est fini, tout est fini !

Mardi 29 novembre. Eh bien ! voilà quinze jours que ça dure et j’en ai encore au moins pour autant. Madame Nachet’.n’apporte un bouquet de violettes aujourd’hui ; je la reçois comme tout le monde, car, malgré la fièvre qui ne me quitte pas depuis quinze jours et une congestion pulmonaire du côté gauche, alias pleurésie, et deux vésicatoires, je ne capitule pas ; je suis levée et mecomporte comme une personne naturelle. Seulement la quinine me rend sourde ; l’autre nuit, j’ai pensé mourir de terreur n’entendant plus ma montre. Et il faudra en prendre encore et toujours. Du reste, je me sens presque forte, et si ce n’était que depuis quinze jours je ne puis rien avaler, je ne sentirais pas ma maladie. C’est égal, mon travail, mon tableau, mon pauvre tableau ! Nous sommes au 29 novembre, je ne pourrai jamais commencer avant fin décembre. En deux