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JOURNAL

veux qui s’envolent, tordus à un petit chignon assez haut sur la nuque. Un grand cordon de roses du Bengale allant se perdre dans la jupe en s’effeuillant. Jupe toute plissée et courte en mousseline de soie. Corsage de satin merveilleux, lacé devant, très large, faisant des plis sur la taille sans pointe ; fichu noué de travers. Seconde jupe de mousseline doublée de satin, ouverte devant et retroussée en revers, formant paniers dont l’un rempli de roses. J’avais une mine charmante. Le sous-Potain odieux se promenait comme une ombre et m’attrapait pour que je ne danse pas. Dimanche 13 janvier. – Il y a eu un grand article d’É tincelle sur notre soirée, mais, comme on s’y attendait, on n’est pas content. Elle me compare à la Cruche cassée et on craint qu’à Pollava cela ne passe pour une injure. On est trop bête ! L’article est très bien ; seulement, comme elle avait dit, il y a deux jours, que je suis une des plus jolies femmes de l’empire russe, elle s’est contentée cette fois de décrire ma robe. De là, désillusion.

Je suis tout à l’art ; je crois qu’en même temps que ma pleurésie, j’ai attrapé le feu sacré quelque part en Espagne ; je commence, d’ouvrière, à devenir artiste ; c’est une incubation de choses célestes qui me rendent un peu folle… Je fais des compositions le soir, je rêve d’une Ophélie. Polain m’a promis de me mener à SainteAnne voir des têtes de folles ; en outre, un Arabe, un vieil Arabe, assis et chantant avec une sorte de guitare, m’obsède, et je pense à un grand machin pour le Salon prochain, un coin de carnaval… ; mais pour cela il faut aller à Nice. Oui, Naples pour le carnaval, bien ; mais pour exécuter mon machin en plein air à Nice,