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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

cela me passant en frisson et en sueur sur le corps, je me suis levée à trois heures, j’ai lu et maintenant j’écris avec l’esquisse devant moi. Mais je me prépare là une déception atroce !  ! Non, puisque je ne suis sûre de rien, je vais essayer… Du reste c’est peut-être les deux tasses de thé prises ce soir qui m’ont empêchée de dormir. 0h ! non !… Mardi 15 août. Que

Dieu me soit en aide ! Je voudrais n’y avoir pas pensé, et n’avoir compté sur rien ; d’abord on n’a du bonheur que par surprise et non lorsqu’on s’attend à quelque chose ; mais je ne m’attends à rien… Seulement cela m’ote le sommeil. Ça pourrait être si beau ! Je le comprends si bien ! Jeudi 17 août.

Dernière séance, mon artiste cherche un sujet de tableau, quelque chose de moderne et de bien… et puis, il a envie de laisser dans son euvre une figure de nu ; « seulement c’est si difficile de trouver un beau modèle » ; il a l’air d’entrevoir des difficultés si insurmontables… On dirait vraiment qu’une belle femme nue ne se trouve pas en Europe… Je crois bien que R.-F. a de moi une opinion très juste ; il me croit ce que je voudrais paraftre, c’est-àdire tout à fait gentille, ou, pour parler plus sérieusement, très jeu : ne fille, enfant même, en ce sens que, tout en causant comme une femme, je suis au fond de l’âme et pour moi d’une pureté d’ange. Je crois vraiment qu’il me respecte dans la plus haute acception du terme et que, s’il disait jamais devant moi quelque chose de… 1libre, je serais absolument étonnée. En somme, je dis toujours que je parle de tout… Mais il

y a façon et façon ; il y a plus que la convenance, il y a la pudeur du langage ; je parle peut-être bien