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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Vendredi 18 août. – Nous n’avons pas trouvé Bastien chez lui ; je lui laisse un mot et j’entrevois ce qu’il a apporté de Londres. Il y a un petit commissionnaire, voyou, appuyé à une borne dans la rue ; on croit entendre le fracas des voitures qui passent. Et le fond est à peine fait, mais la figure ! Ce diable d’homme !

Ah1 les sinistres idiots, ceux qui le traitent d’exécutant. C’est un artiste puissant, original ; c’est un poète, c’est un philosophe ; les autres ne sont que des fabricants de n’importe quoi à côté de lui… On ne peut plus rien regarder quand on voit sa peinture, parce que c’est beau comme la nature, comme la vie. L’autre jour, Tony R.-F. a été obligé de convenir avec moi qu’il fallait être un grand artiste pour copier la nature, et qu’il n’y a même qu’un grand artiste qui soit capable de comprendre la nature et de la rendre. L’idéal est dans le choix, quant à l’exécution elle doit être le comble de ce que les ignorants appellent-naturalisme. Faites, si bon vous semble, Enguerrand de Marigny ou Agnès Sorel, mais que leurs mains, que leurs cheveux, que leur yeux soient vivants, naturels, humains. Le sujet importe peu. Et les maîtres ont fait des sujets de leur époque souvent. Sans doute à tous les points de vue, le moderne est ce qu’il y a de plus intéressant, mais le vrai, le seul, le bon naturalisme consiste dans l’exécution. Que ce soit la nature même, la vie, que les yeux parlent I peu importe que ce soit M"le de La Vallière ou Sarah Bernhardt !… Sans doute il est plus difficile de vous intéresser… et encore ! Si Bastien-Lepage faisait Mle de La Vallière ou Marie Stuart, toutes mortes, poussiéreuses et usées qu’elles soient, elles revivraient encore. — Il y a aussi une ébauche du petit portrait de Coquelin aîné… J’en suis revenue médusée ; c’est sa