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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

qu’avec l’h ɔrrible conviction que cela ne mène à rien. Et voilä ce qui paralyse ! Et rien ne peut me relever, sinon une bonne toile…, et c’est impossible dans ce désastre moral.

Enfin, il n’y a qu’une chose à considérer : c’est que je n’ai pas pu faire mon vieux très bien, que j’ai eu le bonheur de mettre la main sur un sujet original, intéressant, artistique, et que je n’ai rien pu en faire. Voilà le monstre.

Je suis sans force, tout est fini, un anéantissement de tout l’étre… et pas même de rhétorique pour exprimer cette consternation qui m’enlève la force de tenir matériellement la plume… Maintenant, des excuses ; il pleuvait et j’ai toujours été interrompue au milieu de l’exécution d’un morceau, c’est vrai… Il ne fallait pas présenter cette toile que je ne considérais pas comme présentable encore ; mais j’ai voulu avoir un conseil, ne pouvant travailler. Alors voyant cette impuissance, Tony dit que le plein air est trop difficile pour moi… Et demain je retourne à la Grande-Jatte, et avec l’énergie, la rage du désespoir, je vais recommencer,

Dimanche 24 septembre. se ressemblent : de huit à cinq heures, peinture ; une bonne heure pour le bain d’avant diner, puis un diner silencieux ; je lis les journaux. Quelques rares paroles échangées avec ma tante. Elle doit bien s’embêter, la pauvre ! et je ne suis pas gentille vraiment ; elle n’a rien eu, car on l’a toujours sacrifiée à maman qui était belle, et à présent elle ne vit que pour nous, pour moi, et je ne trouve pas moyen d’être gaie et gentille pendant les rares moments où nous sommes ensemble ; et Les jours se suivent et M. B. — II.

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