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JOURNAL

puis je suis heureuse du silence pendant lequel je ne. pense pas à mes infirmités… EN RUSSIE. Samédi 14 octobre. lâchée à la frontière et c’est avec Paul que je voyage. Je fais des croquis aux stations ; et en chemin, je lis Tra los montes ; de cette façon, je revois l’Espagne, car c’est une photographie coloriée que le voyage de Gautier. Qu’est-ce que c’est donc qui m’arrête pour aimer tout à fait Th. Gautier ? Qu’est-ce qu’il y a donc dans ce voyage qui acroche ? Lorsqu’il raconte quelque épisode drôle, on ne rit pas, et il dit : C’était la chose la plus bouffonne du monde, ou bien la plus comique du monde, ou c’était d’une bouffonnerie, etc., etc. Ça fait l’effet d’un monsieur qui, avant de raconter, dit qu’il en a ri comme un fou… Mais il y a encore autre chose. Ce n’est peut-être pas sincère comme littérature, ou plutôt ça ne coule pas de source… ; maintenant c’est surtout lorsqu’il parle d’art— qu’il faut l’admirer, diton ; il n’en parle pas trop dans ce voyage, et surtout il omet Velazquez. Je ne comprends pas ça d’un homme qui était si amoureux de la peinture. Il parle de Goya. Goya était sans doute un grand artiste, bien que je n’en connaisse que des peintures ; il paraft que ses dessins et eaux-fortes sont admirables ; il parle donc de Goya, mais… Velazquez ? Il parle de Murillo et de la magie de sa peinture. Mais Velazquez, c’est l’homme qui a peint le plus admirablement ; personne n’a fait plus vrai : c’est de la chair, et, au point de vue peinture, c’est le comble de l’art. Nous avons cinq heures à attendre le train ici… L’endroit s’appelle Znamenka et j’y suis pour parler de Gautier, de Velazquez, etc. Il fait froid et gris… S’il faisait moins froid, quel temps pour le plein air ! Je Ma tante m’a