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JOURNAL

projets si fous ; on peut bien supposer que nous serions enchantés si cela arrivait, mais personne ne peut imaginer que je sois venue comme je l’ai fait ; seulement, nous qui savons ce qui en est, nous craignons comme des voleurs que ce soit écrit sur nos figures. Alexandre nous attendait avec les princes ; il n’oserait pas dire qu’il n’aurait pas restreint les frais s’il avait prévu qu’il n’y aurait que nous et Michka, qui a dûu éprouver un petit désappointement, lui aussi. On ne s’imagine pas ce que ces deux bêtards représentent dans les imaginations d’ici. Alexandre a été chercher trois cuisiniers de Karkoff, le fameux Prosper du club enfin… Du reste, la chasse a été magnifique ; on a tué quinze İoups et un renard. Il a fait beau, on a lunché en plein bois, avec plus de quatre cents paysans qui nous regardaient, après avoir chassé les bêtes vers nos fusils… Nos fusils est un peu gascon, car je n’ai rien tiré, n’ayant rien

vu ; les loups ont donné à gauche et j’étais à droite, ainsi que papa, Michka et Garnitsky. J’ai vu un renard, et pas à portée. Puis on a donné à boire aux paysans. Ah ! j’oublie mon triomphal coup de fusil… Un paysan est monté au haut d’un arbre, on lui a jeté une bouteille d’eau-de-vie qu’il a acerochée sur la plus haute branche, après l’avoir vidée bien entendu, et on s’est amusé à tirer dessus ; chacun en a cassé un morceau, même moi. Alexandre se mettait en quatre pour être agréable, avec mille flatteries à mon égard. Nadine aussi. Leur fils Etienne est un charmant garçon de quatorze ans, et qui est le premier élève du gymnase militaire.

Quant au menu et aux vins, on ne pouvait rien exiger de mieux. Et puis celte campagne est ravissante. La maison est disposée admirablement, et ce n’est que maintenant que je suis en état de comprendre combien