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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

DE MARIE BAŞEKIRTSEFF. 403

grand-papa (Babanine) était artiste, intelligent, supérieur, bien qu’enterré dans son village. Le jardin et le parc et les étangs et les allées, je ne voudrais rien y changer. Quel éloge ! L’automne et l’abandon dans lequel cela se trouve depuis dix ans leur prêtent un grand charme. Gavronzi est horrible à côté de Tcherniakowka. Les

chambres ici sont si bien disposées, si homely, on se sent si bien ! Les paysannes sont belles, le peuple est si pittoresque ! Vous vous rappelez, l’année dernière, quelle peine j’ai eue à trouver quelque chose à faire à Gavronzi. C’est peut-être parce que, ici, j’ai été petite… Non, c’est parce que c’est adorabletout simplement. Pour ce qui est des souvenirs, ils sont dans une autre case. Et le billard, un petit billard qui est là depuis… Maman se le rappelle dans son enfance, et je me souviens quand j’étais plus basse que lui. J’ai joué du piano dans le grand salon blane et vide, etj’ai pensé à grand’ maman qui écoutait jadis, du fond de sa chambre, à l’extrémité du long, long corridor. Si elle avait vécu, elle n’aurait pas plus de soixante-cinq ans à présent. On a diné au milieu de cette salle où son corps a été exposé pendant trois jours. Je ne sais pas si les autres y ont pensé, mais moi cela m’a fait quelque chose… Mais on oublie tout. Si elle avait vécu, elle serait si fière de moi, si heureuse ! Ah ! si l’on pouvait faire revivre les vieux, comme on les entourerait de soins ! Grand’maman n’a eu que des souffrances.

On retrouve ce soir une de ces bonnes soirées, comme il y en avait sous le règne de maman. Toutes les bougies allumées, toutes les portes ouvertes, sept salons très grands et qui semblaient tout remplis, bien que nous ne soyons pas plus de seize.