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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Dimanche 1 or avril. — Je vais au Louvre ce matin avec Brisbane (Alice). Ce n’est pas qu’elle soit très intéressante, comme eût été Breslau par exemple ; il n’y a pas échange d’idées ; mais elle est bonne enfant, assez intelligente ; elle m’écoute et je pense tout haut. C’est un exercice. Je parle de ce qui me préoccupe et de ce que je désirerais. — De Bastien, naturellement, qui a pris une place énorme dans mes conversations avec Julian et Alice. — J’aime sa peinture extraordinairement, et je vous paraitrai bien aveuglée si je vous dis que ces vieilles toiles enfumées du Louvre me font penser avec plaisir aux peintures vivantes entourées d’air, aux yeux parlants, aux bouches qui vont s’ouvrir. Enfin,

c’est l’impression de ce matin ; je ne la donne pas pour définitive.

Je tousse et, sans que je me voie maigrir, il me semble que je suis malade. Seulement, je ne veux pas y penser. Mais pourquoi alors ai-je un aspect si florissant, non seulement.de couleur, mais de dimensions ? Je cherche la cause de ma tristesse et je ne trouve rien, si ce n’est que je ne fais pas grand’chose depuis quinze jours.

La statue se détraque et se fend ; tout cela m’a fait perdre un temps infini. Demain, à uneheure, je recommence à travailler, sans cela je ne me retrouve pas. Ce qui me vexe un peu, c’est que ce pastel soit si bien et que les peintures soient simplement bien. Eh bien, je me sens en état de peindre aussi bien que ça, à présent… et vous verrez !… Je ne suis pas triste, j’ai simplement la fièvre et de la peine à respirer. C’est le poumon droit qui… pro- gresse.