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JOURNAL

Eh ! folle que vous êtes ! vous vous voyez pour ainsi dire bråler, et vous ne faites rien ? Des vésicatoires ? Des taches jaunes pendant un an ou deux ? Mais, qu’est-ce que deux ans auprès de la vie, de la beauté, du travail ?

Ahl voilà. Je n’en ai mème pas grand besoin de cette épaule, et on peut si bien s’arranger… Eh bien alors ? Et bien alors… on croit toujours que ça passera comme ça… Mardi 3 avril. Il fait très beau. Je me sens une force, je crois que je puis faire de belle peinture, Je le sens, j’en suis sûre. Le soleil, le printemps, le grand air : voilà la plus belle raison. L’été, il faut fuir la chaleur, et l’hiver le froid ; l’été, il n’y a de beau que les matins et les soirs ; mais à présent c’est un paradis, et si l’on n’en profite pas pour peindre en plein air, l’on est bien coupable. Ainsi demain…

Je sens en moi la puissance de rendre ce qui me frappe. Je sens une force nouvelle, une confiance en moi qui triple les facultés. Je vais entreprendre demain un tableau qui me charme ; puis, plus tard, en automne, pour le mauvais temps, un autre très intéressant aussi. Il me semble que maintenant chaque coup va porter, et j’en éprouve un enivrement incomparable. Journée rose, Mercredi 4 avril.–Six gamins groupés, les têtes près les unes des autres, jusqu’à mi-corps seulement. L’aîné a une douzaine d’années et le petit six. Le plus grand, vu presque de dos, tient un nid, et les autres regardent avec des attitudes variées et justes. La sixième est une gamine de quatre ans, vue de dos, la téte levée et les bras croisés. Ça a l’air com-