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JOURNAL

un intérêt… dans la vie. Ma figure en est changée, je suis bien plus jolie, la peau est tendue, fraîche, veloutée, les yeux éveillés et brillants. Enfin, c’est curieux. Que doit faire le véritable amour, si de telles niaiseries : produisent cet effet ? Enfin, la question n’est pas là. Jules Bastien a diné ici ce soir ; je n’ai posé ni à l’enfant, ni en folle, je n’ai été ni sotte, ni laide. Il a été simple, gai, charmant, nous avons fait des charges. Pas un instant de gêne. Il est très intelligent ; du reste, je n’admets pas de spécialités pour le génie ; un homme de génie peut ètre et doit être tout ce qu’il Vendredi 4 mai.

veut. Et il est gai, je craignais de le voir insensible à la plaisanterie qui, pour être fine, doit rester entre l’esprit et la blague. Enfin, il a, comme la jument de Roland, toutes les qualités… Excepté qu’il est mort… ou peu s’en faut. Est-ce bête ? Dimanche 6 mai. On

fait un tapage énorme de la grande toile du jeune Rochegrosse. On arrache à Andromaque son fils Astyanax pour le précipiter du haut des remparts. C’est de l’antique original et moderne. Il ne suit personne et ne s’inspire de personne. La couleur et la peinture sont d’une vigueur sans pareille. Il n’y a personne à l’heure qu’il est qui pourrait faire cela. Ajoutez à cela qu’il est le beau-fils de M. Th. de Banville ; voilà pour la presse. Enfin, nonobstant ce détail, c’est un tempérament prodigieux. Il n’a que vingt-quatre ans, et c’est sa deuxième exposition.