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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

ture de Stendhal, cet homme intelligent est toujours d’accord avec moi. Pourtant il me semble qu’il cherche trop de malice et d’invention. Il m’a causé une surprise pénible en disant qu’en peignant la douleur, on devrait se renseigner dans la physiologie.

Comment ? Mais si je ne sens pas l’expression tragique, quelle est la physiologie qui pourra me la faire sentir ?… Les muscles ! Ah ! Seigneur ! Un peintre qui peindra la douleur physiologiquement et non pas parce qu’il l’a sentie, comprise, vue (au figuré même), ne sera qu’un froid et plat artiste. C’est comme si on disait à quelqu’un de s’affliger selon certaines rėgles.

Sentir d’abord et raisonner ensuite, si l’on veut. Il est impossible que l’analyse ne. vienne confirmer l’impression. Mais ce serait recherche de curiosité 1 pure.

Libre à vous de décomposer les larmes pour apprendre logiquement et scientifiquement de quelle couleur il faut les peindre ! Moi, je préfère les voir briller et les peindre comme je les vois, sans même savoir pourquoi elles sont ainsi et non pas autrement. Dimanche 12 août. Cette idée que Bastien-Lepage va venir m’énerve à ce point que je n’ai pu rien faire. Il est vraiment ridicule d’être aussi impressionnable. Le

Pope a diné avec nous… Nous avons causé à table ; Bastien-Lepage est excessivement intelligent, niais moins brillant que Saint-Marceaux. Je n’ai montré aucune peinture, rien, rien, rien. Je n’ai rien dit, c’est-à-dire que je n’ai pas brillé, et lorsque