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JOURNAL

Bastien-Lepage commençait une conversation intéressante, je n’ai pas su répondre, ni méme suivre ses phrases serrées, quintessenciées comme sa peinture ; si ç’avait été avec Julian, j’aurais donné la réplique, car c’est le genre de conversation qui me convient le plus… Il est intelligent, il comprend tout, il est même instrait, je craignais une certaine ignorance… Enfin, lorsqu’il disait des choses auxquelles j’aurais dû répondre de façon à dévoiler mes belles qualités d’esprit ou de ceur, je le laissais parler et restais sotte. Je ne peux même pas écrire ; c’est un jour comme ça, je suis désorganisée… Envie de rester seule, toute seule pour se rendre compte de l’impression qui est intéressante et considérable ; dix minutes après qu’il était là, j’avais mentalement capitulé et accepté son influence. Je n’ai rien dit de ce qu’il fallait. Il est toujours dieu et se croit tel. Je l’ai encore fortifié dans cette croyance. Il est petit, et il est laid pour le vulgaire ; mais pour moi et pour les gens de mes régions, cette tête est charmante. Qu’est-ce qu’il pense de moi ? J’ai élé gauche, riant trop souvent… Il se dit jaloux de Saint-Marceaux… Joli triomphe ! Jeudi 16 août.— « Grand malheur » serait peut-être exagéré ; mais ce qui arrive peut être, à juste titre, considéré, même par les gens raisonnables, comme un coup de massue bien appliqué… Et bête… comme tous mes malheurs. J’allais envoyer mon tableau à la triennale le 20 août, dernier délai ; et ce’n’est pas le 20, c’est le 16, aujourd’hui, qu’expire ce délai. J’ai des picotements dans le nez, mal’au dos, et les mains désobéissantes.