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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

On doit étre ainsi aprês avoir été battu. Après quoi, je vais me cacher aux cabinets pour pleurer toutes mes misères ; endroit où je ne serai pas soupçonnée. Si je m’enfermais dans ma chambre, on devinerait pourquoi, après un coup pareil. C’est, je crois, la première fois que je me cache pour pleurer à fond, les yeux fermés, la bouche grimaçante comme un enfant ou un sauvage…

Et puis après ? Après, je vais rester à l’atelier jusqu’à ce que les yeux deviennent ordinaires. J’ai pleuré une fois dans les bras de maman, et cette douleur partagée a été une si cruelle humiliation pendant des mois que je ne pleurerai plus de chagrin devant personne. On peut pleurer devant n’importe qui, de colère ou pour la mort de Gambetta ; mais étaler sa faiblesse, sa pauvreté, sa misère, son humiliation, jamais ! Si ça soulage dans le moment, on s’en repent toujours comme d’une confidence. Tout en pleurant où vous savez, j’ai trouvé le regard de ma Madeleine, – qui ne regardera pas le sépulcre, mais ne regardera rien, comme moi tout à l’heure. Les yeux bien ouverts, quand on vient de pleurer. Enfin, enfin, enfin !

Dieu est injuste, et, s’il n’existe pas, à qui m’en prendre ? Il me punit d’avoir douté. Il fait tout pour me faire douter et, quand je doute, il me tape dessus, et quand je persiste à croire et à prier, il me frappe encore plus fort, pour m’enseigner la patience. le seul et peu héroïque Vendredi 17 août. — On ne croit pas à ma timidité ; elle s’explique pourtant par un excès d’orgueil. J’ai horreur, terreur es désespoir de demander, il faut qu’on offre. Dans un moment de coup de tête, je M. B. — II.

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