Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/499

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
494
JOURNAL

me décide à demander, ça ne réussit jamais, c’est presque toujours trop tard et à côté. Je deviens blême et rouge plusieurs fois : avant d’oser dire que j’ai l’intention d’exposer ou de faire.un tableau ; il me semble que l’on se moque de moi, que je ne sais rien, que je’suis.prétentieuse et : ridicule. Quand on regarde (on, un artiste bien entendu) ma peinture, je m’en vais dans la troisième chambre, tellement j’ai peur d’un mot ou d’un regard. Du reste, Robert-Fleury ne se doute pas que je sois aussi peu sûre de moi. Comme je parle avec jactance, il.croit que je m’estime et m’accorde un grand talent. Par conséquent, il n’a pas même besoin de m’encourager, et si je lui disais mes.hésitations.et.mes peurs, il rirait ; je lui en ai parlé une fois et il Fa pris comme une charge. Voilà la formidđable erreur à.laquelle je préte. BastienLepage.sait, je.crois, que j’ai affreusement.peur de lui et il se croit Dieu.

Lundr 20 août. Je chante, la lune entre par la grande fenêtre de l’atelier, il fait beau. On doit pouvoir être heureux. Oui, si l’on a la chance d’être amoureux. Amoureux de qui ?

Mardi 21 aoist. Non, je ne mourrai que vers 40 ans, comme Mile Collignon ; vers 35 ans, je serai bien.malade et, à 36 ou 37 ans, en un hiver au lit, tout sera dit. Et mon testament ! Il se bornera à demander une statue et une peinture, de Saint-Marceaux et de Jules Bastien-Lepage ; ris, entourée de fleurs, dans un endroit apparent ; et, à chaque anniversaire, on y fera chanter des messes de Verdi et de Pergolèse et d’autres musiques, à chaque anniversaire et à perpétuité, par les plus célèbres chanteurs.

— dans une chapelle à Pa-