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JOURNAL

permettre de venir et d’aller et de peindre dans cette ile si distinguée, je m’habille comme une vieille Allemande ; deux ou trois tricots de laine pour me déformer la taille, un pardessus acheté pour vingt-sept francs et sur la tête un gros châle noir tricoté. Des chaussons aux pieds.

— C’est bien beau ce que j’ai Vendredi 2 novembre.

à faire… Aujourd’hui, il n’y avait pas un chat ; dans la semaine, c’eșt un désert, surtout en cette saison ; enfin, pourvu que je ne tombe pas malade ! J’ai bien envie d’un tableau… après lequel je ne peindrai plus dehors cet hiver ; cela pourrait être fait en un mois, novembre, sur l’eau. C’est très simple et très beau. Je me couvrirai bien et il n’y aura que les yeux de découverts.

Lundi 5 novembre. — Les feuilles sont tombées et je ne sais comment finir mon tableau. Je n’ai pas de chance. La chance ! Quelle chose formidable ! Puissance inexplicable et effrayante. Ce tablcau en bateau, la toile est là et je ne sais plus s’il faut le faire… Oh ! oui, mais vite, vite, vite ! en quinze jours et le montrer à Robert-Fleury et à Julian stupéfaits. ši je faisais ça, je ressusciterais. Je souffre de n’avoir fait grand’chose cet été, c’est un remords affreux. pas,

Je voudrais mieux définir cet état particulier. Je me sens affaiblie, c’est comme un grand calme. Je suppose que ceux qu’on vient de saigner éprouvent quelque chose de semblable. J’en prends mon parti… jusqu’au mois de mai… Pourquoi cela changerait-il au mois de mai ? Enfiu, que sait-on ?