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JOURNAL

d’Arc n’est pas d’un art élevé parce qu’il nous la montre paysanne, chez elle, et non pas avec des mains blanches et avec une armure. Non, son Amoir au village est inférieur à Jeanne d’Arc, et les critiques idiots ou perfides le louent pour l’enfermer dans une spécialité, furieux que cet homme, qui a peint des paysans, s’avise de peindre autre chose, une paysanne historique comme Jeanne d’Arc. Pharisiens hypocrites ! Car enfin nous tous, n’importe qui, nous peindrons la chair, mais nous n’avons pas l’au delà, le souffle divin… ce qu’il a enfin, Qui donc, excepté Iui ? Mais personne. Dans les yeux de ses portraits, je vois la vie des personnages, il me semble que je les connais. J’ai essayé de me donner cette impression devant d’autres toiles, et je n’ai pas pu. Pouvez-vous préférer l’exécution de Jeanne Gray ou un Bajazet quelconque à l’eil limpide et vivant d’une petite fille qui passe ? Ce qu’il a, cet artiste incomparable, on ne le trouve que dans les tableaux religieux italiens, lorsque les artistes peignaient et croyaient. Est-ce qu’il ne vous est jamais arrivé de vous trouver à la campagne le soir, seul, sous un ciel très pur et de vous sentir troublé, envahi par un sentiment mystérieux, par des aspirations vers l’infini ; de vous sentir comme dans l’altente de quelque grand événenient, de quelque chose de surnaturel ? et n’avez-vous jamais eu des rêveries qui vous transportaient dans des mondes inconnus ?… Sínon… vous ne comprendrez jamais et je vous con seille d’acheter une Aurore de Bouguereau ou un tableau historique de Cabanel.