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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

J’ai commencé hier un assez grand tableau dans le vieux verger de Sèvres, une jeune fille assise sous un pommier en fleurs, un sentier qui s’en va au loin, et partout des branches d’arbres fruitiers en fleurs, de l’herbe très fraîche, des violettes et de petites fleurs jaunes. La femme est assise et rêve les yeux fermés et la tête appuyée dans la main gauche, le coude sur le genou.

Ça doit être très simple et on doit sentir les effluves du printemps qui font rêver la femme. Il faut du soleil entre les branches. Ça a deux mètres de large et un peu plus en hauteur. Alors, je ne suis reçue qu’avec le numéro 3, et je puis n’étre pas sur la cimaise, pas même cela ? Alors c’est un découragement profond et sans espoir ; ce n’est de la faute de personne, puisque je n’ai pas de talent… Oui, voilà qui m’a vraiment montré que si je n’espérais pas en mon art, je mourrais à l’instant. Et si cette espérance venait à manquer comme ce soir… oui il ne resterait que la mort sans phrase. Jeudi 27 rmars. Très préóccupée de mes travaux Pourquoi n’ai-je pas encore donné en peinture l’équivalent du pastel fait il y a près de deux ans ? Lundi 31 mars.

sera mal placé et je n’aurai pas de médaille. Puis je me suis mise dans un bain très chaud pen. dant plus d’une heure et j’ai craché du sang. C’est bête, direz-vous ; c’est possible, mais je n’ai plus de sagesse, je suis découragée et à moitié folle de mes luttes contre tout.

Presque rien fait, mon tableau Enfin… que dire, que faire, si cela continue j’en ai pour dix-huit mois, mais si j’étais un peu tranquille je pourrais vivre vingt ans encore.