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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

C’en serait une si mes misères avaient des spectateurs… Les

douleurs des gens, devenus célèbres ensuite, sont racontées par leurs amis, car on a des amis, des gans avec lesquels on cause. Je n’en ai pas. Et quand je me lamenterais ! Quand je dirais : Non, je ne peindrai plus ! Et puis après ? Ça n’est une perte pour personne, je n’ai pas de talent.

Alors toutes ces choses qu’il faut enfermer en soi et qui ne font rien à personne… Le voilà, le pire des tourments, le plus humiliant. Car on sait, on sent, on croit soi-même qu’on n’est rien. Si cela durait, on n’y pourrait survivre. Mardi 1or avril. — Cela dure, mais comme il faut bien trouver des biais, je trouve celui-là. Et si je me trompe ? Mais, à force de pleurer, j’ai les yeux troubles. On me dit : oh ! vous savez, le numéro ne signifie pas grand’chose, ça se passe n’importe comment. Oui, mais la place ?  ?

J’ai été chez Petit (exposition de la rue de Sèze). Je suis restée une heure devant les incomparables toiles de Bastien-Lepage et de Cazin. Mercredi 2 avril.

Après, je vais chez Robert-Fleury et, d’un air très gai, en curieuse : —Voyons, Monsieur, comment cela s’est-il passé au jury ? —— Mais très bien, lorsque votre tableau a passé, ils ont dit, tout un groupe : – « Tiens, c’est bon ça, un numéro 2 ! » Oh ! Monsieur, est-ce possible ? Mais oui, croyez bien que je ne vous le dis pas pour vous faire plaisir, c’est ainsi. Alors on a voté, et si ce jour-là le président n’avait pas été un ahuri, vous — ni un, ni deux d’entre eux, mais —