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JOURNAL

qu’un. Il m’est donc bien permis de poser un peu si tel est mon plaisir.

Mais non, je dis d’un ton navré : « Croyez-vous que ce n’est pas horrible et n’y a-t-il pas de quoi être abattue ? je passe six années, les six plus belles années de ma vie à travailler comme un forçat ; ne voyant personne et ne jouissant de rien de la vie ! au bout de six ans je fais quelque chose de bien eton ose dire qu’on m’a aidée ! la récompense de tant de peine se change en une calomnie affreuse !  !  ! C’est sur une peau d’ours que je dis cela, les bras inertes, sincère et poseuse en même temps. Alors ma mère le prend à la lettre et cela me met au désespoir. Voilà maman : supposez qu’on donne la médaille d’honneur à X…, naturellement je m’écrie que c’est une indignité, une honte, que j’en suis révoltée, furieuse, etc.

t’agite pas ainsi ! Ah I mon Dieu, mais on ne la lui a pas donnée ! Ce n’est pas vrail Il ne l’a pas ! Et si on la lui a donnée c’est exprès ; on connaît ton caractère, on sait que tu vas enrager. Et on l’a fait exprès et toi tu te laisses prendre comme une petite sotte, voyons !… Ce n’est même pas une charge, c’est seulement prématuré, atlendez que X… ait sa médaille d’honneur et Maman : — Mais non, mais non, ne vous verrez !

Autre exemple. Le roman du pitoyable Y*** qui est à la mode maintenant, atleint d’éditions. Naturellement je bondis : — Comment, voilà la pature de la majorité, voilà ce qu’on préfère ? 0. tempora ! O mores ! Voulez-vous parier que maman recommence la tirade X… ou à peu près ! — C’est déjà arrivé pour plusieurs choses. Elle a peur que je me casse, que je meure du moindre choc et, dans son immense naïveté, veut me préserver par des moyens je ne sais combien