Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
52
JOURNAL

C’est que je suis contente de me justifier ! Si contentel non, non, je n’ai jamais aimé… et si vous pouviez vous imaginer comme je me sens heureuse, libre, fière et digne… de.celui qui doit venir ! Mardi 9 avril.

Aujourd’hui, j’ai heureusement travaillé le matin ; quant à l’après-midi, je suis restée couchée, j’étais souffrante. Cela a duré deux heures, après lesquelles je me suis levée presque contente d’avoir souffert ; c’est si bon après, on est si content de se moquer du mal ; que c’est beau la jeunesse !  ! Dans vingt ans, j’en aurais pour toute une journée. J’ai

fini Le Lys dans la Vallée ; c’est un livre très fatigant malgré ses beautés.

La lettre de Nathalie de Manerville, qui termine le livre, est charmante et vraie. Lire Balzac, au détriment de moi-même ; car enfin ce temps employé à travailler m’aiderait à devenir moi-même un Balzac en peinture ! Vendredi 12 avril.

Hier, Julian a rencontré Robert-Fleury au café, et Robert-Fleury a dit que j’étais une élève vraiment intéressante et étonnante, et qu’il espérait beaucoup de moi. C’est à cela qu’il faut me rattacher, surtout dans les moments où toute mon intelligence est envahie par cette terreur inexplicable et affreuse, ’et où je me sens sombrer dans un gouffre de doute, de tourments de tous genres sans cause réelle ! Très souvent, depuis quelque temps, il y a trois bougies chez moi ; c’est signe de mort. Est-ce moi qui vais m’en aller dans l’autre monde ? l me semble que oui. Et mon avenir, et ma gloire ? Oh bien, ils seront fichus.