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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

bonnes gens des bancs publics. Ce pourrait être une étude grandiose. Il faut toujours mieux peindre des scènes où les personnages ne bougent pas. Entendonsnous, je ne suis pas contre le mouvement, mais dans des scènes violentes il ne peut y avoir d’illusion et de jouissance pour un public raffiné. On est péniblement (et sans s’en rendre compte mėme) impressionné par ce bras levé pour frapper et qui ne frappe pas, par ces jambes qui courent et qui restent à la même place. Il y a des situations très mouvementées et où pourtant on peut se figurer une immobilité de quelques instants, ce qui suffit.

Il vaut toujours mieux saisir l’instant qui suit un grand mouvement ou une violence quelconque, que celai qui le précède. La Jeanne d’Are de Bastien-Lepage a entendu des voix, elle a marché précipitamment en avant, renversant son rouet et s’est arrêtée tout à coup adossée à un arbre. Mais voyez des scènes aux bras levés où les gens agissent, c’est peut-être très fort, mais il n’y a jamais jouissance complète. La distribution des drapeaux par l’Empereur, qui est à Versailles.

Chacun se précipite, les bras sont levés et pourlant c’est très bien, car ces bras atlendaient et on est saisi, remué, emporté soi-même par l’émotion de ces hommes, on partage leur impatience. L’élan et le mouvement sont prodigieux, justement parce qu’on peul se figurer un instant d’arrét, pendant lequel on peut regarder en paix cette scène comme une chose véritable èt non un tableau.

Mais rien ne peut égaler la grandeur des sujets au repos, soit en sculpture, soit en peinture. Un homme médiocre peut exécuter une toile tour-