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JOURNAL

mentée assez bien, mais il ne fera jamais rien d’un sujet au repos.

Voyez les toiles de Millet et comparez-les à toutes les violences imaginables. Voyez le Moïse de Michel-Ange. Il est immobile, mais il est vivant. Son Penseur ne remue pas, ne parle pas, mais c’est parce qu’il ne le veut pas ; c’est un homme vivant qui est absorbé pas ses pensées. Le Pas-mèche de Bastien-Lepage vous regarde et vous écoute, mais il va parler, car il est vivant. Dans ses Foins, l’homme couché sur le dos, la figure couverte de son chapeau, dort ; mais il vit. La femme assise rêve et ne bouge pas, mais on sent qu’elle est vivante. Un sujet au repos peut seul donner des jouissances complèles, il laisse le temps de s’absorber en lui, de le pénétrer, de le voir vivre. Les imbéciles et les ignorants pensent que c’est plus facile à faire. Ah ! misère ! Si je meurs jamais, ce sera d’indignalion devant la bêlise humaine qui est infinie, comme dit Flaubert. Il y a trente ans qu’on écrit des choses admirables en Russie.

En lisant La Paix et la Guerre, du comte Tolstoi j’ai élé frappée au point de m’écrier : Mais c’est comme Zola !

Il est vrai, on consacre une étude dans la Revue des Deux-Mondes à notre Tolstoï aujourd’hui et mon ceur de Russe en bondit d’allégresse. Cette étude est de M. de Vogüé, qui a été secrétaire d’ambassade en Russie, qui en a étudié la littérature et les meurs, et qui a publié déjà plusieurs articles remarquablement