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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

justes et profonds sur mon grand et admirable pays. Et toi misérable ! Tu vis en France, tu aimes mieux étre une étrangère que de rester chez toi ! Puisque tu aimes ta belle, ta grande, ta sublime Russie, vas-y et travaille pour elle. Moi je travaille aussi à la gloire de mon pays… s jamais j’ai un grand talent comme Tolstoi ! Mais si je n’avais pas ma peinture, j’irais ! Parole d’honneur, j’irais ! Mais mon travail absorbe mes facultés et le reste devient un intermède, un amusement. Lundi 21 juillet.

quatre heures, cherchant le coin que je prendrai pour fond dans mon tableau. C’est la rue, c’est même le boulevard extérieur, mais il faut encore choisir. Il est évident qu’un banc public sur le boulevard extérieur a bien autrement de caractère qu’un banc des Champs-Elysées où il ne s’assied que des concierges, des grooms, des nourrices et des gommeux. Là plus d’étude, plus d’âme, plus de drame. Des mannequins, à moins de cas particuliers. Mais quelle poésie que le déclassé au bord de ce banc. Là l’homme est vrai, là c’est du Shakespeare. Et me voilà prise d’inquiétude folle devant ce trésor découvert, si ça allait m’échapper ! Si j’allais ne pouvoir le faire ou si le temps, si….. Ecoutez, si je n’ai pas de talent c’est que le ciel se moque de moi, car il m’inflige toutes les tortures des artistes de génie… Hélas ! Je me suis promenée plus de Mercredi 23 juillet.

esquissé, les modèles trouvés. Je cours depuis cinq heures du matin à ia Villelte et aux Batignolles ; Rosalie aborde les gens que je lui désigne, Et mon tableau qui est 4. I —— II,

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