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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

bien bête de perdre mon temps, puisqu’on en serait enchanté. Il manquait vingt-cinq minutes jusqu’à l’heure. — On est parvenu, dis-je, à me faire perdre de une heure à deux ; mais ces vingt-cinq minutes, je les emploierai à me calmer pour bien dessiner et pour faire enrager les misérables qui, par jalousie, ont recours à de telles misères.— Ges vingt-cinq minutes, je les emploie à les mener comme des nègres. Jeudi 16 mai.

Pendant que je m’apprêtais à peindre ma tête de mort, ayant. selon mon caractère tambouriné préalablement ce projet, Breslau en a peint une cette semaine. Cela m’apprend à être moins bavarde. Cela m’a fait dire en causant avec les autres que vraiment mes idées doivent valoir quelque chose, puisqu’il se trouve des imbéciles pour ramasser les plus mauvaises et les plus jetées. Vendredi 17 mai.-Je me ferais bien communarde, rien que pour faire sauter toutes les maisons, les inté-. rieurs de famille !… On devrait l’aimer, son intérieur ; il n’y a rien de plus doux que de s’y reposer, d’y rêver aux autres choses qu’on a faites, aux personnes qu’on a vués… mais se reposer éternellement !… La journée de huit à six heures se passe tant bien que mal en travaillant, mais le soir !  ! Je vais sculpter le soir… pour ne pas penser que je suis jeune et que le temps passe, que je m’ennuie, que je me révolte, que c’est affreux ! Comme c’est drôle pourtant, les gens qui n’ont pas de chance, ni en amour, ni en affaires. En amour, c’était ma faute, je me montais la tête pour les uns, j’abandonnais les autres… Mais en affaires !… M. B. — II

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