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journal de ma vie

Je luy dis lors : « Madame, rappellés les anciens ministres ; ils ne vous seront pas inutiles en cette occasion. » Elle me dit : « J’y ay pensé ; mais quy employerai-je pour cet effet ? » « Moy, Madame, luy dis-je, pour Mr  de Villeroy et le president Jannin, et le commandeur de Sillery[1] vers monsieur le chancelier son frere : et s’ils se veulent reunir ensemble, vous parlerés a un des trois pour tous, affin de ne rien alarmer jusques a ce que vous veuillés descouvrir au monde vos intentions ouvertement. » Elle me dit : « Vous avés raison : je m’en vas envoyer querir le chevalier[2] ; voyés les autres, et jugés ce que je m’en dois promettre. Pour moy j’ay bon courage, et suis capable de courir toute sorte de hasard pour conserver mon autorité contre ceux quy m’en veulent despouiller. »

Sur cela je partis, et je passay cheux madame de Guyse la mere, quy estoit passionnée pour la reine. Elle me dit : « Mon Dieu, Monsieur, que je trouve mon fils cabré contre la reine ! Est ce vous quy l’y portés, ou son caprice ? Car je vous ay veu longtemps parler avesques luy la bas en la court. » Je luy respondis que non, mais que la reine avoit tort d’estre sy retenue pour sy peu de chose que du retour de la Rochefoucaut, et de ne vouloir faire superseder les procedures que l’on faisoit contre Mr  le chevalier de Guyse, et qu’il faudroit qu’elle cedat un peu de sa

  1. Noël Brulart, chevalier de Malte, dit le commandeur de Sillery, troisième fils de Pierre Brulart, seigneur de Berny, et de Marie Cauchon, dame de Sillery et de Puisieux.
  2. Le chevalier de Sillery.