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journal de ma vie.

heure de Soissons, et ayans passé l’Aisne sur le pont de bateaux nous nous jettames sans y penser dans la cavalerie liegeoise quy avoit eu advis de la mort du mareschal d’Ancres quy les avoit levés[1], dont ils estoint fort estonnés. De fortune ce mesme matin ils estoint en armes pour faire montre, et comme ils nous virent, ils firent dessein de nous prendre prisonniers pour crainte que l’on ne les voulut tailler en pieces, et nous faire servir de garans ; et comme un capitaine s’avança pour me parler, je fis l’affligé de la mort dudit mareschal et luy demanday sy je pourrois estre en seureté parmy eux et s’ils pourroint empescher que l’on ne nous prit sy le roy le commandoit. Il me respondit qu’ils estoint eux mesmes assés empeschés de se garantir, et que chascun taschat a faire le mieux qu’il pourroit : et ainsy s’en revint a ses gens et leur dit que nous estions des gens du mareschal d’Ancres. Ainsy sans montrer que nous tirassions droit a Paris, nous demeurasmes un peu a les voir et en fin les eslongnames[2] insensiblement et sortimes de leurs mains.

Nous vinsmes coucher a Nanteuil[3] et le lendemain disner cheux Zammet, et apres disner trouver le roy quy me fit fort bonne chere et me commanda d’aymer

  1. Le roi avait fait traiter pour la levée de trois mille hommes de pied et cinq cents chevaux auxiliaires liégeois ; mais le maréchal d’Ancre, soit par orgueil, soit par ambition, avait offert de prendre à sa charge ces levées et d’autres encore. — Voir à l'Appendice. IX.
  2. C’est-à-dire : nous éloignâmes d’eux.
  3. Nanteuil-le-Haudoin, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Senlis, appartenait alors à Schomberg.