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journal de ma vie.

du roy et s’en venoit en cette province servir a l’avancement des affaires de la reine sa mere ainsy qu’il me diroit tantost, et que la grande traitte qu’il avoit faite me contraindroit de l’attendre un peu tard a soupper. Je me trouvay bien estonné d’ouir parler cet homme sy franchement d’une telle chose et a un homme quy representoit la personne du roy et quy commandoit son armée : je le fus aussy de voir comme monsieur le cardinal se venoit jetter en nos mains pour s’y faire prendre, selon ce que je devois au service du roy. Neammoins je n’avois aucune charge du roy de le faire ; c’estoit un homme a quy j’estois fort serviteur et de toute sa maison ; je considerois sa qualité de prince et de cardinal, et que je pouvois faillir en le prenant comme en ne le prenant pas : en fin Dieu m’inspira de faire cette response a Villedonné : « Monsieur, je crois que vous vous moqués de me dire que monsieur le cardinal vienne icy ; car je sçay asseurement qu’il est en Normandie dont le roy luy a donné le gouvernement[1]. Il est trop advisé pour avoir quitté son service, et quand Dieu l’auroit abandonné jusques la qu’il l’eut fait, il est encore trop advisé pour se venir jetter dans une ville de l’obeissance du roy ou il y a un fort regiment en garnison, ou je suis de sa part commandant son armée, pour s’y faire prendre prisonnier. C’est pourquoy [je vous dis que][2] je ne crois point ce que vous me dittes, et que vous m’avés voulu donner cette nouvelle pour m’allarmer : mais je

  1. Le duc de Longueville avait été suspendu de sa charge de gouverneur de Normandie.
  2. Inédit.