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journal de ma vie.

pagnies au Bac a Choisy[1], comme elles venoint au rendés vous de l’armée), quy avoit la retraitte comme premier regiment[2], commençoit a desfiller, nous vismes marcher de loin douse ou quinse gros de cavalerie quy estoint nos chevaux legers ; mais l’on creut que c’estoint les ennemis : je prins mes trois compagnies de gens d’armes pour tenir ferme et payer de nos vies pour faire passer le regiment, ce qu’il fit, et bien viste ; mais les ayant envoyé reconnoistre, nous trouvasmes que c’estoint des nostres.

Ainsy nous gaignames Sesanne en Brie et logeasmes nostre armée aux environs : et a peine estoint nos carabins et chevaux legers logés, que les ennemis vindrent porter l’allarme quand et eux, ce quy les fit remonter a cheval en diligence et envoyer leurs bagages au quartier de Piemont. Les ennemis avoint cinq gros de cavalerie quy paroissoint sur un tertre sans se bouger, sinon que quand ils nous virent avancer, ils se retirerent avec bon ordre derriere ce tertre ; et comme nous fismes halte, croyans que leur armée entiere estoit au vallon, ils remonterent et furent en cet estat jusques a la nuit, qu’ils se retirerent. Nos carabins prindrent quelques vallets de leur armée quy nous dirent qu’ils se preparoint pour nous venir combattre le lendemain ; et je pense que les ennemis les avoint fait prendre expres pour nous dire cette nouvelle, affin de nous cacher leur dessein quy estoit de passer

  1. Choisy-au-Bac, village du canton d’Attichy, arrondissement de Compiègne, sur l’Aisne, près de son confluent avec l’Oise.
  2. Le régiment de Picardie était le premier des quatre vieux corps, et, comme tel, il avait le poste d’honneur.