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journal de ma vie.

estoit de descendre dans le fossé, [le][1] traverser et passer avec une galerie, et s’attacher au bastion lequel en huit ou dix jours seroit gaigné sans aucune faute. Messieurs les mareschaux de camp de ce quartier là n’estoint point de ce sentiment, non pas, a mon avis, qu’ils y reconneussent trop de peril (car ils estoint braves hommes), mais par opiniastreté ou insuffisance. J’apperceus encores en eux une chose que j’ay plusieurs fois remarquée, que forces gens sont vaillans, s’ils peuvent, pour le lendemain et non pour le jour mesme : car apres avoir gaigné la contrescarpe, au lieu de faire la descente, le mareschal de camp quy estoit en journée jugea a propos de tirer une ligne le long de la contrescarpe [sur la gauche][2], disant que c’estoit pour venir gaigner la pointe du bastion ou l’on vouloit s’attacher ; peut estre aussy estoit ce pour laisser le peril de la descente a celuy quy luy devoit succeder, et celuy là la prolongea pour remettre a l’autre la descente. Ainsy depuis huit jours que la contrescarpe estoit gaignée on n’avoit rien fait que couler le long d’icelle sans fruit ny sans dessein. Il y avoit un capitaine du regiment de Chappes nommé la Moliere quy faisoit la charge d’ayde de camp, quy estoit creu plus que pas un, et quy donnoit de grandes esperances a ces messieurs sur des propositions qu’il faisoit, quy n’estoint pas bien raysonnées : et monsieur le connestable quy escoutoit les uns et les autres, s’ennuyoit de voir que l’on n’avançoit pas. Mr le mareschal Desdiguieres n’y n’estoit pas toujours creu, et des que l’on le contestoit, ou contrarioit, son naturel

  1. Inédit.
  2. Inédit.