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journal de ma vie.

secourir avec les gardes quy entrent. » Nous tournames a l’heure mesme, tous ces gentilshommes et moy, et trouvasmes les ennemis [aux mains][1] avec cinquante Suisses de ma compagnie quy estoint de garde a cette batterie, lesquels faisoint bravement a coups de piques et de hallebardes. Je vis là pour la premiere fois de ma vie, des femmes dans le combat jettans des pierres contre nous avesques beaucoup plus de force et d’animosité que je n’eusse pensé, et en donnans aux soldats pour nous les jetter[2]. Nostre petit secours vint bien a propos pour les Suisses quy avoint beaucoup de monde sur les bras, le feu a la batterie, et les ennemis quy s’efforçoint de venir jusques aux quattre canons. Trois Suisses estoint estendus sur la place et quantité de blessés. A nostre arrivée nous leur fismes une rude charge et les repoussames a coups de hallebarde : eux, en se retirant, nous jettoint quantité de pierres dont une bien grosse me donna sur le haut du front, quy me porta par terre esvanouy : incontinent trois ou quattre Suisses m’emporterent hors de la meslée a vingt pas de là, ou je revins a moy et retournay au combat, ou peu apres Mr de Pralain, comme il m’avoit promis, ammena deux compagnies des gardes commandées par Tilladet[3], quy firent

  1. Inédit.
  2. « Une d’entre elles sortant par la bresche avec une brassée de paille rencontre un soldat qui voulut la lui prendre et l’obliger à se tirer du danger : Laissez moy aller (dit-elle), la perte n’est pas grande si je meurs : vous voyez que je suis vieille. Elle va ou estoient les autres, et n’en revint point. » (Histoire particuliere.)
  3. Bernard de Cassagnet, seigneur de Tilladet, fils d’Antoine