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journal de ma vie.

le connestable luy avoit chargé de creance, laquelle a mon avis il avoit pratiquée et mendiée, quy estoit qu’ayant consideré que les canons quy estoint sur nos batteaux n’estoint point en seureté parce qu’une redoutte pouvoit estre battue et forcée par les ennemis quy seroint maitres de tout ce costé de la riviere, et que ce nous seroit un grand deshonneur s’ils nous gaignoint un de nos batteaux, soit en gaignant nostre redoutte, soit en les attirant a eux comme ils avaleroint le long du Tar dont une des rives estoit entierement a eux ; c’estoit pourquoy il me prioit de demeurer deça[1] avesques les trouppes que je voudrois choysir, hormis celles des gardes françoises et suisses, et faire rompre le pont et avaler les vaisseaux, puis m’en venir passer a la punte de la Veyrou[2] a deux lieues de là, ou il me feroit tenir des batteaux tout prests pour toute ma trouppe. Je consideray bien la perilleuse commission que l’on me donnoit de faire couper ce pont et me laisser avec sept cens hommes sans pouvoir estre secouru, en un païs du tout[3] ennemy et a la veue d’une ville ou il y avoit plus de trois mille hommes de combat et soissante bons chevaux quy auroint deux lieues durant a me suyvre, et au bout trouver un conflans de deux rivieres devant moy a passer en batteaux, cinquante a cinquante. Je dis neammoins a Mr de Chomberg devant cette noblesse, que je sçavois bien que cette commission m’avoit esté

  1. Sur la rive droite.
  2. À la Pointe de l’Aveyron, lieu situé au confluent de l’Aveyron et du Tarn, sur la rive droite de cette dernière rivière.
  3. Entièrement.