Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 2.djvu/387

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
1621. novembre.

d’autorité que cela le rendit suspect au roy, a quy des particuliers souffloint aux oreilles pour luy faire des mauvais offices, faisant voir au roy que luy ou les siens avoint toutes les bonnes places de France ; que les principaux gouvernemens estoint en ses mains ; que luy et ses deux freres en trois ans estoint devenus ducs et pairs, de sy bas qu’ils estoint auparavant ; qu’ils possedoint, eux trois, des biens, des charges ou des gouvernemens pour plus de dix millions d’or, et qu’ils devenoint insensiblement sy puissans que le roy ne les pourroit pas abbaisser quand il voudroit. Le roy n’escoutoit pas seulement ces discours, mais les faisoit aux autres et s’en confia premierement au pere Arnoux, puis a Mr de Puisieux. En fin apres le siege de Saint Jean d’Angeli, comme monsieur le connestable revenoit un matin de disner, ayant ses Suisses et ses gardes marchans devant luy et entrans dans le logis du roy, suyvy de toute la court, et des principaux de l’armée, le roy le voyant venir d’une fenestre, me dit : « Voyés, Bassompierre, c’est le roy quy entre. » « Vous me pardonnerés, Sire, luy dis je, c’est un connestable favorisé de son maitre, quy fait voir vostre grandeur, et quy estale vos bienfaits aux yeux de tout le monde. » « Vous ne le connoissés pas, me respondit-il ; il croit que je luy en dois de reste et veut faire le roy : mais je l’en empescheray bien tant que je seray en vie. » « Sire, luy dis je lors, vous estes bien malheureux de vous mettre ces fantaisies en la teste ; luy, l’est bien aussy de ce que vous prenés ces ombrages de luy, et moy je le suis encores davantage de ce que vous me les avés descouvertes : car un de ces jours, vous et luy, vous crierés un peu et en