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journal de ma vie.

l’armée, celuy qu’ils estoint venus saluer a la descente de son batteau, et que s’ils ne m’ouvroint ils s’en repentiroint ; mais pour tout cela ils ne sceurent jamais gaigner autre chose sur eux, sinon qu’ils me permettroint de me mettre sous un petit corps de garde ouvert quy estoit au dedans de leur barriere, qu’un homme vint ouvrir pour m’y faire entrer, lequel la referma sur moy en mesme temps et puis se jetta sur un petit pont levis qui fut levé en mesme temps. Ainsy je fus enfermé dans cette barriere sans pouvoir plus rien mander a mes gens, lesquels croyans que je fusse entré dans la ville, ne s’occuperent qu’a garder mon logis ; et ceux de la ville ne me voulurent jammais ouvrir qu’il ne fut sept heures du matin. J’estois estendu sur une table, tout remply du sang de ma scarification quy s’estoit figé et attaché a la serviette que l’on avoit mise dessus, et quy s’escorchoit de temps en temps, avec un espoinçonnement furieux dedans la teste, une forte fievre continue, n’estant couvert que d’une robe de nuit assés legere dans un temps tres froid ; car c’estoit le vendredy 26me de novembre, que je puis dire avoir esté le plus grand tourment, et mal, que j’aye senty de ma vie, quy me fit cent fois souhaiter la mort. En fin messieurs de Marmande m’ouvrirent les portes de leur ville et m’y donnerent un bon logis ou je fis tendre mon lit et y demeuray malade a l’extremité d’une fievre de pourpre quy en fin le treisieme jour finit par une forte crise. Le dix septieme[1] je

  1. Le dix-septième jour de maladie. Il y avait aux précédentes éditions : le 17.