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1615. octobre.

Descures, et moy, de ce qu’il devoit devenir, disant que la reine et le roy luy avoint mis cette armée en main pour conserver cette partie de la France quy est deça la Loire, ce que, Dieu mercy, il avoit fait avec gloire et honneur, puis qu’il en avoit chassé les rebelles, et qu’il ne luy restoit plus qu’a reprendre les villes de Chasteau Thierry, Espernay, et Mery sur Seine[1], pour avoir gouverné cette partie de la France qu’on luy avoit confiée, en telle sorte que les ennemis du roy n’y auroint pas conservé un poulce de terre, et qu’il meditoit à aller prendre lesdites places, ce qu’il n’avoit pas voulu executer sans en prendre prealablement nostre avis.

Je n’eus pas assés de patience pour attendre mon rang de luy respondre et luy dis : « Comment, Monsieur ? Auriés vous bien eu en pensée de laisser le roy attaqué de Mr le Prince avec [une] armée quy s’en va fraische et glorieuse contre luy sans avoir eu ny tour ny atteinte, et au lieu de la suivre et de la divertir d’aller attaquer le roy desnué de forces et quy s’est attendu que vous empescheriés Mr le Prince de le suivre, avec celles qu’il vous a confiées, songer d’aller reprendre Mery et Espernay ? Il n’attend pas cela de vous ; Espernay ny Mery ne le presse point, c’est Mr le Prince, quy le va attaquer ; Mr le Prince est vostre tasche, et c’est contre luy que le roy vous a destiné : suyvés le au nom de Dieu, Monsieur, et pour vostre devoir et pour le secours du roy, quy ne sera pas sans estonnement quand il sçaura que Mr le Prince vous est eschappé et qu’il s’en va droit a luy. »

  1. Dans les départements de l’Aisne, de la Marne, et de l’Aube.