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1616. avril.

en demeure obligé, bien que l’on m’aye dit que c’estoit vous quy aviés donné cet avis[1] a la reine : mais je ne l’ay pas voulu croyre, et vous dis encores une fois que je m’en ressens vostre obligé. » Je fus bien estonné de voir qu’il eut pris avec la main gauche ce que je luy avois presenté a la droitte, et piqué de sa response je luy dis : « Monsieur, je vous ay donné cet avis pour vostre interest particulier et non pour le mien, pour lequel maintenant je vous feray voir que je suis plus franc et plus noble que vous ne m’estimés : vous sçaurés de la propre bouche de la reine quy luy a donné. » Allors il me fit mille instances de ne le point faire, et que je le ruinerois : il me pria mesmes d’avoir pitié de sa fortune que je mettrois en compromis par cette action ; mais il n’y sceut rien gaigner, car la reine s’estant aperceue de nostre contestation s’approcha pour en sçavoir la cause, et lors je luy dis : « Madame, sy Vostre Majesté n’affermit ma reputation par son tesmoygnage, elle est en branle dans l’opinion de monsieur le chancelier quy croit qu’un avis que je luy ay donné, que j’avois appris de Vostre Majesté (et dont je luy demande pardon de l’avoir descouvert), est venu de mon invention ou bien que c’est de moy de quy Vostre Majesté l’avoit appris. » Allors la reine luy dit : « Monsieur le chancelier, vous payés en mauvaise monnoye les bons offices que l’on vous fait. J’ay esté avertie ce matin par Pontchartrain a quy Mr  de Boullon l’a dit, que vous vous faisiés recommander a Mr  le

  1. C’est-à-dire l’avis de la négociation secrète du chancelier avec le prince de Condé.