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journal de ma vie.

bon conseil là dessus, et qu’elle seroit bien ayse de le suivre s’il estoit au bien du service du roy.

J’entray peu après a sa chambre quy estoit lors a l’entresol[1] du Louvre, et luy dis que tous ses serviteurs s’estonnoint d’un assoupissement qu’ils voyoint en elle pendant que l’on empietoit son autorité ; que cela descourageoit les gens de bien et animoit les autres a se jetter a bride abattue dans le party de Mr le Prince, quy s’estoit tellement relevé depuis son arrivée a Paris que l’on le tenoit plus puissant que le sien ; et cependant, qu’elle s’endormoit lors qu’elle se devoit le plus resveiller ; qu’elle pardonnat a mon zele quy avoit causé mon effronterie de luy parler sy librement ; mais que je la suppliois tres humblement qu’elle considerat avesques mes paroles mon intention. Elle me dit qu’elle me remercioit de l’avis que je luy donnois ; qu’elle me tenoit bon serviteur du roy et le sien, et qu’elle s’en asseuroit ; que je devois croyre aussy qu’elle ne dormoit pas comme je pensois, mais qu’il y avoit certaines choses qu’il falloit que le temps accommodat ; que cependant je persistasse en la bonne affection que j’avois a son service, et que les dames ne me tissent rien faire a son prejudice, parce que celles que j’aymois en estoint alienées[2].

Cependant la reine ne laissoit pas de songer a ses affaires et se preparoit pour prendre Mr le Prince prisonnier avesques les principaux de ses partisans, et ne se confioit de son dessein qu’a la seule mareschalle

  1. Il y avait dans les précédentes éditions : l’entre-salle.
  2. La reine faisait peut-être allusion à la princesse de Conti, sœur du duc de Guise.