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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/70

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la chouette ambulance ! » Et ça veut dire… des visages, doux, agréables… autour du lit… quelqu’un qui vous comprendra… Vous, vous avez été si bonne, si gentille, toujours… Vous ne savez pas la différence qu’il y a entre vous et les autres. Et le courage que vous savez donner presque sans rien dire pourtant… Vous êtes rude même parfois… N’empêche que quand vous entriez dans la salle, ah ! tout de suite, tout de suite, fallait voir leurs yeux se faire doux, gentils… et apaisés. Tous ont plus ou moins le béguin pour vous… mais ce n’est pas la même chose que moi. Je… (Il s’arrête.) Zut ! Je vous demande pardon de vous dire tout cela, ça n’est pas bien intéressant d’ailleurs pour vous de savoir que là-bas il y en a un qui clignera souvent les yeux pour se rappeler… pour tâcher de ne pas oublier… C’était ça justement que je voulais vous dire, j’avais remis toujours jusqu’au dernier moment… Et puis juste quand j’ai pris mon courage à deux mains, comme par un fait exprès, il y a eu la directrice, le père Bertoubeau, les embêteurs, il n’y a pas eu moyen de placer un mot. J’étais navré ! Quelle chance que vous m’ayez laissé monter et que je vous aie retrouvée, pour la dernière fois où je vous regarde, dans votre costume d’infirmière… Si j’y passe là-bas, je vous reverrai comme au bon temps, comme vous êtes là, comme vous étiez près de mon lit… Voulez-vous accepter quelque chose de moi ? Je n’ai personne à qui laisser un souvenir de moi… Prenez-le, allez… Si je reviens, ça n’aura pas d’importance, vous le détruirez… Mais ça me ferait tant de plaisir… dites ?…

GINETTE.

Mais volontiers, Renaudin, ça me fera plaisir à moi aussi.