Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/71

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RENAUDIN, (embarrassé.)

C’est idiot, idiot, vous allez rire !

GINETTE.

Montrez !…

RENAUDIN.

C’est quand j’étais petit. J’ai sculpté ça, vous voyez, dans un coquillage… J’ai été élevé à Hendaye, au bord de la mer. Ça n’a l’air de rien, mais il a fallu des mois… Vous savez ! c’est très difficile…

GINETTE.

Mais oui, c’est d’un travail inouï, c’est prodigieux de fini… C’est autrement difficile à faire, sûrement, que la bague des tranchées.

RENAUDIN.

Je le portais quelquefois comme bouton de manchette. Je m’en suis servi comme d’un fétiche, d’une médaille. Vous voyez, j’avais gravé deux colombes. C’est idiot, n’est-ce pas, de vous donner ça ! Vous voyez, ça me fait piquer un fard… D’autant que dans peu de temps, vous n’y penserez plus, à nous… Quand ce sera fini, que vous serez heureuse… mariée… avec des gosses… et le tralala de la vie…

GINETTE.

Vous vous trompez, Renaudin. Toutes celles qui auront revêtu ce costume en garderont un souvenir… ineffaçable. Ce costume, je le quitterai comme on quitte le voile et je repenserai souvent, quelle que soit ma vie, à l’heure de l’hôpital ! Moi aussi, je vous promets que je sortirai quelquefois ce petit souvenir sculpté que vous venez de me donner et qui devait vous être une chose très chère, je le sens…