Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/233

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MARTHE.

Oh !… à propos de place de l’Opéra ! Figure-toi que j’ai rencontré Madame Rachou, la mère Rachou, dans sa Rolls, place de l’Opéra !… Quel monstre !… Tu sais, le lama brun, au moment où il va cracher… quand il retrousse sa lèvre et qu’il fait pchch ! Voilà la mère Rachou.

BARNAC.

Crachée…

MADEMOISELLE TIGRAINE, (répétant avec intention.)

Parfaitement, place de l’Opéra, à cinq heures.

(Il y a dans cette interruption une aigreur contenue et courtoise qui en dit long sur les sentiments de la secrétaire pour la maîtresse de la maison.)
MARTHE, (sèchement.)

Une seconde, Mademoiselle Tigraine !… (À Barnac.) Dis-moi ?… je suis déçue…

BARNAC.

Pourquoi ?

MARTHE.

Je croyais que tu allais être émerveillé par la justesse de ma comparaison… Il est vrai que tu ne connais peut-être pas le lama brun ?…

BARNAC, (qui continue de la considérer en hochant la tête, presque sans penser à ce qu’elle lui dit.)

Quand j’étais petit, il me semble…

MARTHE.

D’ailleurs, moi aussi je ne suis pas retournée au Jardin d’acclimatation depuis l’âge de douze ans… C’est extraordinaire, mais c’est comme ça… Au fond, je suis comme tout le monde, je ne connais rien de Paris… Figure-toi que je ne connais pas la