Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/201

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BERNIER.

Oui, oui, je le sais c’est affreux, cruel, inique !… Je vois tes pauvres yeux effarés qui me regardent avec épouvante… tu demandes si je suis fou… mais, que veux-tu ? Il y a quelque chose de plus fort que moi ! Le besoin de liberté, d’air respirable…

LOLETTE.

Je croyais avoir connu l’horreur que rien ne pouvait surpasser… mais les mots que je devais entendre, ah !… sont mille fois plus affreux que la mort !…

(Un silence passe.)
BERNIER, (passant la main sur son front.)

Pardon, je te demande pardon… la colère m’entraîne… Ce n’est pas réellement cela que j’éprouve… Ce sont les mots qui dévient… c’est le taureau enchaîné qui piétine et qui crie… Ne fais pas attention… attends, attends… je me retrouve… cela va venir… voilà… Je vois clair en moi, je t’assure. Oublie ce moment de colère ; il n’est pas juste… Ce que j’éprouve réellement peut parfaitement se dire ; il n’y a rien de laid ni de vil en moi, Loulou, je te jure… Là… calme tes yeux angoissés… Je t’ai effrayée ? Pardon… Comme devant Dieu, oui, comme devant Dieu, ce n’est pas trop d’employer de pareils termes, je jure de ne pas m’égarer d’une syllabe, maintenant… Comprends-moi, j’éprouve pour toi une pitié, un élan infinis… je te voudrais heureuse, ma chérie, je voudrais ne te faire plus jamais de mal et